Au-delà de l’image d’Épinal du médiateur neutre et dont les capacités surhumaines lui permettent d’absorber toute la souffrance produite au sein des écoles, je voudrais vous brosser un portrait douloureux de cette fonction finalement peu connue qui suscite tour à tour envie et méfiance. On croit parfois le médiateur doté de pouvoirs magiques permettant aux pires ennemis de redevenir frères ; ou au contraire on le perçoit comme surnuméraire, intrusif, comme une greffe qui aurait mal pris.
En tant que président de MEDISCOLA mais aussi en tant que médiateur au sein d’un service de médiation scolaire à Bruxelles, pour mes collègues et pour tous les médiateurs du milieu scolaire, je voudrais évoquer ici les épreuves silencieuses des médiateurs qui travaillent dans l’ombre des violences de l’École.
Souvent recrutés pour nos capacités d’écoute, notre connaissance et notre intérêt pour le milieu scolaire, notre humilité ou la capacité à ne pas produire du conflit sur le conflit, nous, les médiateurs, sommes souvent piégés par nos principes, nos valeurs et les injonctions paradoxales que peuvent contenir nos missions. Nous devons rétablir “un climat de confiance”, écouter, accueillir inconditionnellement, ne pas apporter de solution mais rendre leur autonomie aux demandeurs, accompagner toutes sortes de souffrances insupportables au sein de la classe, des salles des professeurs, dans les alcôves des directions ou au cœur des familles. Nous sommes tenus par le secret professionnel et le principe de neutralité. Nous ne pouvons exprimer nos opinions ou, trop clairement, ce que nous ressentons face au spectacle des gens qui se déchirent. Il nous est interdit de juger ou plutôt d’exprimer un jugement. Malgré tout, souvent, notre cœur balance et nous ressentons les injustices, les humiliations, les discrètes maltraitances comme les plus publiques.
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